
Deux (02) salons du livre en l’espace d’un mois. Pour quelqu’un comme moi dont la passion du livre n’a véritablement jamais dépassé le stade de la lecture, me retrouver subitement à côtoyer les acteurs de la chaîne du livre à cet échelle est très excitant mais aussi très instructif. Il est vrai que l’édition a été ma première expérience professionnelle et que je ne suis jamais assez loin de l’univers des livres.
Mais les expériences vécues en Guinée du 23 au 25 avril 2019 dans le cadre des 72 Heures du Livre de Conakry et en Côte d’Ivoire du 15 au 19 mai 2019 à l’occasion du Salon International du Livre d’Abidjan (SILA) ont fini de me convaincre que, dans l’univers culturel africain, le livre a encore de beaux jours devant, si tant est qu’il est véritablement considéré comme une industrie et traité comme tel.
Cette année, Conakry et Abidjan présentait tous deux la 11è édition de leur salon du livre respectif. Et en ce qui concerne mes expériences, il se dégage nettement que chaque évènement se positionne comme l’incontournable de la chaine du livre sur le continent, en comptant sur un engagement politique certain et en misant sur la jeunesse.

Pour Sansy Kaba, commissaire des 72 Heures du Livre qui était présent à Abidjan quelques jours après son activité à Conakry, « Le SILA est un espace incontournable. C’est un très beau salon, un salon très visité avec des visiteurs de qualité. On voit qu’en Côte d’Ivoire, il y a une dynamique, l’industrie du livre est en marche », confie-t-il à un média ivoirien au dernier jour du salon d’Abidjan. Il ne croit pas si bien dit.
Car, pour cette édition, le SILA a «enregistré 175.000 visiteurs » au terme des 5 jours, selon des chiffres dévoilés par le commissaire général dudit salon, Anges Félix N’Dakpri, par ailleurs président de l’Association des Editeurs de Côte d’Ivoire (ASSEDI). Fait marquant : 80% du taux de fréquentation est constitué des effectifs scolaires. Rien de surprenant au vu des dizaines de bus de transports scolaires qui déversent des centaines d’écoliers et d’élèves par jour au Palais de la Culture de Treichville.
La scène est presque identique à Conakry durant les 72 Heures du Livre où plusieurs apprenants arpentent les allées des expositions, participent au panel, s’intéressent aux thématiques, posent des questions aux auteurs. Et achètent les livres !
Car, s’il est un fait surprenant qui mérite d’être souligné, c’est qu’à Conakry, tout comme à Abidjan, la politique de mobilisation mise en place par les deux commissariats ne s’arrête pas à faire des jeunes visiteurs des « comble vide » afin de gonfler les chiffres de fréquentation. Ils ont sensibilisés à la lecture, à l’acquisition des livres.
A Abidjan, j’ai vu des élèves venir sur le Salon avec un budget commun qu’ils ont réunis durant l’année scolaire. Ils sont venus ensemble choisir les livres à acheter pour une bibliothèque commune. Ils m’ont confié avoir acheté, à 5, pour environ 20.000 francs cfa de livres qu’ils liront à tour de rôle. Avec leur budget, ils n’ont eu aucun mal à se procurer des livres qui coûtaient 5.000. Et ils sont repartis joyeux.

A Conakry, j’ai noté un engouement réel des élèves à participer aux débats avec les auteurs et aux conférences. J’ai été surpris de remarquer que la moitié de la salle du Centre Culturel Franco Guinéen qui a accueilli une conférence-débat sur la problématique la femme, était remplie à plus de 50% d’élèves. Certains sont repartis avec des dizaines de livres qu’ils ont achetées certes à un prix étudié pour eux mais la finalité n’est-elle pas de les voir s’intéresser au livre.
Car c’est là toute la problématique. Comment intéresser les jeunes au livre ? A la lecture ?
Accusée de délaisser la lecture au profit des réseaux sociaux et autres gadgets modernes, la jeunesse est, c’est mon avis, victime d’une politique du livre qui a tardé à les prendre en compte. Nous avons tardé à mettre les plus jeunes au cœur de nos actions. Nous avons pendant longtemps privilégié une littérature un peu trop fermée pour eux qui a eu comme conséquence de leur faire croire et voir que la littérature, c’’était une affaire de grandes personnes. Que leur proposons-nous comme lecture ? Et quel mécanisme est mis en place pour leur rendre accessible les livres ?
L’engouement des jeunes que j’ai pu noter à Conakry comme à Abidjan pendant les salons du livre est forcément le fruit d’un travail acharné des deux commissariats qui ont trouvé les moyens de réconcilier la jeunesse aux livres. Un nouvel esprit du livre s’empare de cette jeunesse et devrait faire école. Ne la décevons pas.
Eustache Agboton,
Journaliste, spécialiste de Culture et Développement