
Dans l’antichambre d’un hypothétique adieu au pouvoir ou d’un besoin de cristalliser le pouvoir, le constat fréquent de la coupure des réseaux sociaux – pendant les périodes électorales ou de crises politiques internes – par bon nombre de nos gouvernants africains ferait l’aveux manifeste de leur impuissance à les contrôler. En conséquence, à contrôler leur peuple à travers eux. Les réseaux sociaux en Afrique seraient-ils devenus trop puissants pour ne pas être régulés ?
Des problèmes complexes peuvent appeler des solutions simples. Mais à l’évidence, nous faut-il reconnaître que difficilement les problèmes complexes appellent des réponses simples. En ce siècle du numérique, les réseaux sociaux ont explosé toutes les barrières frontalières qui séparent nos peuples, nos horizons, démontrant ainsi toute leur superpuissance à affecter en profondeur nos sociétés. Que l’information déposée et véhiculée soit vraie, fausse, ambiguë, sans source, dépravant les mœurs, manipulant l’opinion, incitant à la paix ou à la violence, nos réseaux sociaux sont intouchables – du moins dans l’espace africain – .
Ils le sont non parce qu’ils représentent une Giga puissance économique ou parce qu’ils portent l’étendard d’une super puissance étatique à laquelle nos États seraient assujestis. Il sera dit qu’ils sont intouchables parce qu’ils seraient “le symbole de la liberté”. La liberté d’expression.
Pendant le temps où l’opinion publique accrédite nos réseaux sociaux comme des no man’s land virtuels, nos smartphones sont infusés (du réveil au coucher) par du contenu numérique destructif ou constructif.
Pendant ce temps, à tord ou à raison, un enfant pourfend sa mère, une épouse s’insurge contre son époux, une entreprise perd ses consommateurs, un peuple gronde et/ou se soulève contre son souverain. Dans le dernier cas, que le soulèvement soit ou non légitime, que le dessein poursuivi par le souverain et ses lieutenants soit constitutionnel ou non, le recours à la solution simple prend le pas: Coupure pure et simple des réseaux sociaux. Conséquences: un pays s’embrase, des morts à la traîne, des gouvernants à la Cour Pénale Internationale ou qui résistent et vivent en autarcie (instaurant une dictature sanglante).
Sans en arriver encore à ce point, les gouvernants béninois ont opté pour la solution simple le 28 avril 2019 malgré les 647 articles de la loi n° 2017 portant Code du numerique en République du Bénin adoptée le mardi 13 juin 2017 puis mise en conformité avec la Constitution du 11 décembre 1990, le vendredi 5 janvier 2018 suite à la Décision de la Cour Constitutionnelle 17-223 du 2 novembre 2017.
Le Bénin n’est cependant pas le seul pays africain à avoir “viré simple” devant la complexe difficulté de régulation des réseaux sociaux bien qu’étant l’un des premiers parmi ses pairs à s’être doté d’un Code du numérique. L’autre déduction à admettre ou à infirmer est relative à l’effet corruptible des mentalités par les reseaux sociaux. Ce qui à terme vicie la ligne de développement qui devrait être celle du continent africain.
Quoiqu’il en soit, une solution peut être simple mais dangereuse. Elle peut également être complexe, paraître à l’amont suicidaire, impossible à appliquer mais, en aval porteuse de fruits. encadrer donc totalement et uniquement les animateurs des réseaux sociaux n’auraient guère plus de sens. Toutefois, il est inconvenant d’admettre nos societés se résigner à tolérer quelques dérives dont les conséquences peuvent être nuisibles voire graves. Une nouvelle forme de régulation doit donc faire jour dans nos États africains.
Celle qui engage puissamment d’une part la responsabilité des entreprises numériques (dont le rôle est de censurer avec rigueur les zones noires), d’autre part celle des gouvernants ( en censurant les zones grises) ainsi que celle des animateurs en tant qu’éveilleurs de consciences.
Romaric HOUENOU de DRAVO